- MONOCULTURE ET POLYCULTURE
- MONOCULTURE ET POLYCULTURELes termes de monoculture et de polyculture sont couramment utilisés pour distinguer deux types de systèmes agricoles. La monoculture désigne un système agricole fondé sur une seule production ou, le plus souvent, sur un petit nombre de productions, s’opposant à la polyculture, système comprenant plusieurs productions.La monoculture est rare dans l’agriculture traditionnelle: la riziculture de l’Asie des moussons s’en rapproche, mais elle va de pair avec la culture d’autres céréales, de légumes et de fruits, avec de petits élevages. En réalité, la monoculture caractérise une agriculture moderne, c’est-à-dire récente, généralement dotée de puissants moyens techniques, et elle résulte de la phase d’expansion européenne dans les pays neufs et les régions tropicales à partir du XIXe siècle. Le reste du monde, et particulièrement la vieille Europe, connaît la polyculture, qui semble bien être la base de toutes les sociétés agraires. On notera cependant l’existence, en Europe, d’enclaves régionales vouées à des monoproductions, tels en France le Languedoc (vigne) ou la Normandie (herbe), dérivant exclusivement de la polyculture ancienne. Si la monoculture se présente comme une agriculture exclusivement spéculative, la polyculture caractérise aussi bien des systèmes traditionnels de type africain, par exemple, que les pays de grande culture du centre du Bassin parisien, domaine d’une agriculture orientée et commandée par le marché. Il convient donc, dans l’analyse des polycultures, d’envisager toute une gamme étendue, depuis les agricultures de subsistance jusqu’aux cultures de marché, en incluant des étapes intermédiaires telles que les polycultures traditionnelles de l’Europe.1. Les polyculturesLa vie des sociétés rurales a de tout temps été fondée non pas sur des cultures indépendantes les unes des autres, pratiquées à volonté, mais sur des associations de cultures formant un tout équilibré, entraînant une répartition stricte des travaux, les systèmes de culture ; ils sont essentiellement polyculturaux. C’est toujours l’homme qui choisit tel ou tel système de culture, mais il le fait en fonction des grandes aires climatiques: il existe originellement une aire du riz comme une aire du maïs. Dans chacune, les sociétés de cultivateurs ont sélectionné des plantes qu’elles propagèrent: en Extrême-Orient, c’est l’association riz-plantes de culture sèche (taro, soja, patates douces); dans les régions méditerranéennes, la triade blé-vigne-olivier; dans les pays andins, l’association de deux céréales (quinua et maïs) et de quatre tubercules (pomme de terre, mashwa, olluku, oka). Les conditions écologiques et la souplesse d’adaptation de la plante offrent une gamme de possibilités où l’homme choisit; ainsi, l’introduction du riz en Chine vers le IIe millénaire avant notre ère a transformé de façon durable l’ancien système de culture fondé sur l’association taro-ignames.L’agriculture de subsistancePlus des deux tiers des paysans du globe pratiquent une agriculture traditionnelle qui a pour finalité d’assurer la subsistance du groupe producteur. Cette agriculture, polycultrice et vivrière, permet de disposer de produits de consommation aux différentes périodes de l’année sans avoir à constituer de réserves, ainsi que de pallier la perte d’une récolte en cas de catastrophe naturelle. Le système agricole (association de plantes et techniques liées à leur culture) repose sur une combinaison de productions qui implique pour une société rurale soit d’occuper des terroirs (étendues de terrain présentant des caractères agronomiques particuliers) de nature très différente (cas de régions des Andes, par exemple, où les communautés paysannes possèdent des terres qui s’étagent des fonds de vallées à la haute steppe), soit, cas habituel, d’organiser l’alternance des diverses cultures sur chaque parcelle, alternance destinée à ménager le sol (assolement).La jachère, technique de restitution et de repos du sol la plus ancienne, rend compte de l’agriculture itinérante, le plus souvent pratiquée sur brûlis. Après défrichement de la forêt par le feu peu avant la saison des pluies, le sol est percé, tous les mètres environ, de trous creusés avec un bâton à fouir, où l’on met ici quelques graines de maïs, là un morceau de tubercule d’igname, là une bouture de manioc, plus loin un rejet de bananier. Polyculture élémentaire d’une grande partie du monde tropical, notamment en Afrique centrale, nommée lougan en Afrique occidentale, ray dans la péninsule Indochinoise et milpa en Amérique centrale. Polyculture où la terre porte des cultures multiples, où il n’y a pas d’assolement et où le mélange des plantes accroît l’aspect désordonné des champs.Il existe également, particulièrement en Afrique sèche intertropicale, une agriculture sédentaire plus intense, résultant d’une mise en exploitation complète du finage (territoire sur lequel un groupe rural, une communauté de paysans, s’est installé pour le défricher et le cultiver et sur lequel il exerce des droits agraires). Si l’agriculture est associée à l’élevage, la jachère n’est plus nécessaire, mais ce cas est encore rare dans ces régions. Cette polyculture offre un paysage rural organisé en auréoles concentriques, transition entre l’agriculture itinérante et l’agriculture sédentaire. Observons tel village soudanais, voisin du Niger moyen: autour de la case, un large enclos occupé en partie par des cultures dites de cases (coton, maïs, sorgho et surtout mil) engraissées de déchets ménagers et cultivées en permanence; au-delà, une couronne de champs permanents de 500 à 1 000 mètres de rayon, fertilisés par le fumier des troupeaux et produisant le mil, base de la nourriture (aussi ces champs ne sont-ils jamais mis en jachère); plus loin et tout autour, une zone de cultures itinérantes où les champs portent arachides ou pois la première année, mil la seconde, puis restent en jachère pendant de longues années; enfin, plus loin encore s’étend la brousse, jamais cultivée. Il faut aller en pays sérère, au Sénégal, pour trouver un exemple de finage divisé en soles. Le terme d’assolement désigne à la fois la succession des cultures dans le temps et la répartition des cultures sur l’espace cultivé. En fait, pour le cycle des cultures dans le temps, il vaudrait mieux employer l’expression « rotation culturale». C’est en fonction de celle-ci que s’établit l’assolement, c’est-à-dire le partage des terres en soles, chaque sole traduisant dans l’espace l’organisation du cycle. Chez les Sérères, il existe un véritable assolement triennal autour des villages: petit mil, arachide et une sole de jachère (cf. systèmes de CULTURES, notamment fig. 2). Chez les Tiv du Nigeria, on cultive des ignames la première année, des mils la deuxième, du sésame la troisième et, en culture intercalaire, du manioc, de la patate douce. Cette culture intercalaire est souvent dite dérobée, culture à très court cycle de végétation, que l’on pratique entre deux cultures principales. La culture est ainsi continue (assolement sans jachère), mais sur une petite partie de l’espace seulement. Cette polyculture très élaborée demeure exceptionnelle en terre tropicale, là où la pression démographique n’impose pas une intensification des cultures souvent ruineuse pour les sols et les rendements. Aujourd’hui, ces polycultures traditionnelles associent de plus en plus des cultures à destination commerciale (arachide, coton).Les polycultures traditionnelles européennesL’Europe offre l’exemple d’une agriculture traditionnelle fondée sur l’assolement, mais qui s’est profondément et durablement modifiée de sorte qu’elle présente actuellement une très grande diversité qui invite à parler des polycultures.L’Europe a été longtemps caractérisée par des assolements à jachère, mais l’utilisation de la sole de jachère par les troupeaux a permis d’étendre les soles de céréales. À la limite, dans l’assolement biennal méditerranéen, on peut cultiver la moitié de la terre, et dans l’assolement triennal classique (blé, avoine, jachère), les deux tiers. La jachère elle-même disparaîtra assez vite. La culture continue semble avoir pris naissance dès la fin du Moyen Âge autour des villes, en Flandre et dans la plaine du Pô, comme une sorte de jardinage par la prairie artificielle, assurant du même coup les progrès de l’élevage: le prototype de ces assolements est l’assolement de Norfolk (Grande-Bretagne), qui fait alterner céréales, plantes sarclées et prairies semées. Ces transformations sont désignées par le nom de révolution agricole. À la suppression de la jachère s’est ajoutée, à partir des temps modernes, l’introduction de plantes nouvelles (pomme de terre, maïs). Vers 1850, l’agriculture européenne était partout cette vieille polyculture améliorée, intensifiée; puis, tandis que certaines régions se spécialisaient, d’autres ne faisaient que rajeunir leur système de culture en augmentant la part accordée à l’élevage, tout en laissant subsister une assez forte autoconsommation (ainsi, l’Aquitaine connaît une polyculture très variée). Les finages sont utilisés à 70 p. 100 par les cultures: blé-maïs; tabac, oléagineux et légumes de plein champ; vigne et arbres fruitiers. Cette diversité répond à la mosaïque des sols, elle est aussi une assurance contre les caprices du climat. Enfin, la structure foncière (métayage dominé par la propriété citadine) oriente les métayers vers une économie domestique d’autoconsommation.Une polyculture traditionnelle semblable s’étend en Europe du Minho portugais à l’Italie centrale. En Toscane par exemple, le paysage agraire est celui de la coltura promiscua , culture à deux étages où la même parcelle porte deux récoltes, une de céréales, une de fruits. Les champs sont occupés par des rangées alternantes de vignes et d’arbres fruitiers, entre lesquelles le paysan cultive d’étroites plates-bandes de légumes ou de pommes de terre. Dans les régions méditerranéennes, l’arbre (olivier en Grèce et en Afrique du Nord, figuier dans les Kabylies) est toujours associé aux cultures (céréales et légumes). Cette coltura promiscua , qui semble l’image même d’une polyculture intensive, n’est pas toutefois sans présenter de graves inconvénients: les planches de céréales de deux mètres de large sont un non-sens économique, la juxtaposition très serrée d’arbres interdit tout traitement moderne et toute production de masse; aussi est-elle partout en recul. À l’opposé, la huerta , variété du système de champs complantés à culture intensive, se maintient, étant plus spécialisée et plus tournée vers l’exploitation. La huerta existe dans tout le bassin méditerranéen: plaine irriguée comme celle de Valence, dans le Levant espagnol, portant sur les mêmes parcelles oranger et cultures annuelles: blé, haricots, fèves, choux-fleurs et aussi luzerne, maïs, nécessaires à l’alimentation du bétail qui donne le fumier indispensable; culture permanente, parce qu’assolée et irriguée. Cette polyculture intensive assure une production de qualité dans des régions où le climat, heureusement secondé par l’irrigation, n’a pas rendu impérative une spécialisation de l’activité agricole.Depuis la Première Guerre mondiale, une transformation plus radicale a affecté la polyculture européenne pour répondre aux besoins sans cesse croissants d’une population qui se concentrait dans les villes et les zones industrielles de l’Europe du Nord-Ouest. Cette spécialisation peut conserver la forme d’une polyculture moderne où le choix de quelques cultures s’effectue en fonction du marché. Ainsi, les grosses exploitations des plateaux limoneux du centre du Bassin parisien ont d’abord adopté un assolement simple blé-betterave à sucre, abandonnant l’élevage, donc les fourrages artificiels. Cette économie rurale a façonné un paysage agraire où domine l’open field (champ ouvert), paysage encore caractérisé par le regroupement de l’habitat rural en villages et par le morcellement géométrique des parcelles en lanières; mais ici le remembrement au profit de grandes fermes a créé un paysage composé de champs dont la forme la plus fréquente est celle d’un rectangle, d’où l’expression d’open field «mosaïque», terme en fait synonyme de grande exploitation agricole. Celle-ci est inséparable d’un système intensif d’exploitation du sol, qui donne la primauté aux terres labourables et aux productions directement commercialisables: blé, betterave, plantes industrielles (lin ou colza), pomme de terre. En l’absence de bétail, donc de fumier, on utilise les engrais verts, légumineuses de printemps comme le trèfle ou crucifères d’automne comme la moutarde, qui, en cultures dérobées, sont ensuite retournées. Cette agriculture, fortement mécanisée, fait appel à d’importants capitaux et c’est fondamentalement ce qui la distingue de la polyculture plus traditionnelle. De plus, le paysage d’où l’arbre est absent constitue une forme de transition vers la monoculture céréalière des pays neufs.Il faut citer à part les régions viticoles ou rizicoles. Les vignobles de masse du Languedoc offrent toutes les caractéristiques de la monoproduction: leur origine est liée à la généralisation de la consommation urbaine et leur développement est solidaire d’un réseau de transports modernes. Enfin, grande est la sensibilité de ces régions aux crises de surproduction, souvent aggravées par la concurrence internationale.2. La monocultureUne agriculture de pays neufsUn pays comme l’Argentine paraît constituer le type même d’une agriculture de pays neufs où les régions sont partagées en vastes secteurs voués à la monoculture. Les pampas sèches et humides connaissent une division en belts , «ceintures» agricoles où prédomine une culture. Ainsi, la Pampa humide, au nord-ouest de Buenos Aires, est une large zone de production spécialisée du maïs. Plus à l’ouest, le maïs perd sa primauté au profit du blé en raison de l’accentuation de la sécheresse relative. Le blé ne domine vraiment que sur les marges sèches de la Pampa humide, au nord-ouest et au sud. À l’intérieur, sur le piémont andin, s’égrènent du sud au nord des zones de monoproduction: vignoble de Mendoza, canne à sucre de San Miguel de Tucuman et tabac du bassin de Salta. Dans le cas de Tucuman, il convient d’ailleurs de parler de «plantation» comme pour les zones récentes de citriculture et de bananes de l’extrême nord.De la même manière, l’agriculture nord-américaine est spécialisée en belts : Corn belt ou zone du maïs, Wheat belt ou zone du blé et Cotton belt ou zone du coton au sud. Cette agriculture a pour but exclusif d’élaborer des produits destinés au marché international. Complètement intégrée à l’économie d’échange, elle a dû adopter des méthodes de production nouvelles fondées sur la grande exploitation, la spécialisation et la mécanisation. Installée sur un sol vierge, elle offre une morphologie agraire aux lignes strictement géométriques permettant une mécanisation complète qui répond tant au souci de la production de masse qu’à celui de réduire au minimum l’emploi d’une main-d’œuvre chère. Cette agriculture sans paysan est de plus en plus une «agro-industrie», ainsi dans le Wheat belt qui produit 20 p. 100 du blé du monde. Les fermes y ont entre 200 et 300 hectares: de forme toujours carrée, occupant deux ou trois sections cadastrales, elles sont dotées de machines dites combines , capables d’exécuter simultanément plusieurs opérations culturales (par exemple moisson, battage et mise en sacs). À peine battu, le grain est conduit aux élévateurs de la gare la plus proche, seul élément vertical du paysage, et de là aux silos terminaux des grands ports. Cette organisation rationnelle repose sur des liens très étroits avec la banque qui fournit les capitaux indispensables. Les variations de la récolte ou les fluctuations des cours ont conduit à une évolution de l’activité agricole vers ce que l’on appelle aujourd’hui l’agri-business . Tel homme d’affaires conclura, après une étude de marché très précise, qu’une quantité donnée de produits agricoles pourra être commercialisée l’année suivante (fraises, par exemple, en Californie): il ne lui restera plus qu’à emprunter les capitaux nécessaires et à louer la terre pour réussir son opération. L’agriculture offre cet avantage sur l’industrie de permettre une sorte de «pari» sur telle production, sans s’engager pour autant à la poursuivre.Cette monoculture ne concerne que des plantes annuelles; or les besoins croissants des pays industriels ont mené ceux-ci à créer des zones spécialisées dans la production de denrées très demandées, alimentaires surtout (bananes, ananas, sucre de canne, café, thé, cacao) ou industrielles (caoutchouc, huile de palme), qui sont pour la plupart issues de plantes croissant dans les régions à climat tropical humide. Agriculture d’exportation, elle occupe les régions côtières, localisées principalement en Amérique centrale, continentale et insulaire, dans le Brésil atlantique, en Afrique sur la côte de Guinée au sens large (de la Sierra Leone au Congo), en Indonésie. Dans certains secteurs, l’agriculture de plantation s’est développée au point d’occuper la majorité de la population et d’accaparer une forte part du sol. Il existe ainsi quelques «forteresses» de l’agriculture de plantation: le monde malais était, à la fin de l’époque coloniale, la région du globe qui présentait la collection la plus diverse de cultures de plantation, livrant 78 p. 100 des exportations mondiales de caoutchouc, 90 p. 100 de l’écorce de quinquina, 79 p. 100 du poivre, 73 p. 100 du coprah, 56 p. 100 de l’huile de palme, 16 p. 100 du thé.Les plantationsLe terme de plantation est utilisé dans deux acceptions. En Afrique noire, il désigne les champs occupés par les plantes vivrières traditionnelles; il s’agit alors de la polyculture traditionnelle dans des «plantations vivrières». Ici le terme sera pris dans son sens le plus habituel. La plantation a pour origine le fait colonial, domination politique ou économique d’un pays sur un autre, et s’accompagne donc de contacts entre civilisations différentes. Agriculture de spéculation, elle est centrée sur la production de plantes dont les fruits sont commercialisés sur le marché international. Enfin, elle met en jeu des techniques modernes de production ou de commercialisation qui l’opposent à l’agriculture de subsistance. Il existe deux types principaux de plantations, le type familial et le type industriel.La plantation de type familial est de faible étendue, de quelques dizaines d’ares à quelques dizaines d’hectares, car elle correspond aux possibilités de travail d’un petit nombre de personnes. Les techniques de préparation du terrain, les soins culturaux, la lutte contre les maladies, la récolte restent rudimentaires, par manque de connaissances scientifiques et surtout de capitaux.La commercialisation des récoltes est organisée par des entreprises privées, des coopératives ou des organismes d’État (Office de l’arachide au Sénégal, par exemple). Certaines opérations indispensables et coûteuses comme l’irrigation, les traitements phytosanitaires sont mises sur pied, sinon même prises en charge, par la puissance publique. Une proportion importante du cacao, du café, des arachides, du coton produits en Afrique provient de ces plantations. Ces petites propriétés (small holdings ) entrent fréquemment en concurrence avec les plantations de type industriel; d’ailleurs, le salarié agricole de ces dernières est souvent planteur pour son propre compte. De plus, les plantations familiales entretiennent des relations particulières avec les plantations industrielles, car elles fournissent un appoint indispensable à la bonne marche des usines ou des unités de conditionnement, assurant de la sorte leur volant de sécurité (c’est le cas pour la canne à sucre, l’huile de palme, le coprah, le caoutchouc).La plantation de type industriel est de grande dimension, de quelques centaines à quelques milliers d’hectares: 700 hectares pour les plantations de thé de l’Assam, 12 000 hectares pour telle plantation de canne à sucre du Nord-Ouest argentin. Elle exige l’investissement de capitaux importants qui sont la plupart du temps étrangers au pays. Agriculture scientifique, elle obtient des rendements élevés, sans cesse accrus par la recherche agronomique. Les plantations font appel à une masse considérable de main-d’œuvre, d’où le développement du travail servile sur le continent américain ou les courants d’immigration vers la Malaysia et l’Indonésie. Il n’est pas rare que des liens financiers étroits existent entre les plantations et les industries consommatrices; ainsi, la firme américaine Firestone s’est fait concéder au Liberia plus de 400 000 hectares où travaillent 22 000 salariés; la United Fruit, entreprise également américaine, possède 121 000 hectares au Guatemala et 100 000 hectares au Costa Rica. La plantation, par sa taille et son caractère industriel, se présente comme une véritable société mélangée et originale: un grand domaine de culture du thé (estate ) au Sri Lanka a un état-major anglais, des contremaîtres cingalais, une main-d’œuvre tamoule.Malgré le degré extrême de rationalisation, la plantation n’en est pas moins précaire parce qu’elle est écologiquement fragile et qu’elle dégrade très rapidement les sols; de plus, sa nature même la voue à subir les fluctuations des cours mondiaux de matières premières et parfois des crises lorsque les cours s’effondrent.La plantation se rapproche en cela de la monoculture, mais si celle-là se maintient en s’insérant davantage dans la polyculture traditionnelle des pays tropicaux, la monoculture, surtout céréalière, tend à disparaître dans les régions de grande culture. Le farmer du Wheat belt a renoncé à une monoculture élémentaire et a adopté comme son prudent collègue européen des assolements variés: le blé couvre encore chaque année la moitié des terres, mais le reste est occupé par diverses plantes, où prédominent soit le maïs, soit le foin, soit l’avoine. La monoculture est ainsi remplacée par une «biculture». De même, il est significatif qu’en France les pouvoirs publics proposent au viticulteur languedocien d’abandonner sa vigne et de profiter des travaux d’aménagement de la Compagnie du Bas-Rhône-Languedoc, qui pourraient le transformer en polyculteur spécialisé, maraîcher ou arboriculteur. La monoculture céréalière créée par les Européens a dû accepter les dures lois du marché. Seul parmi toutes les céréales, le riz a pu être la base durable de sociétés rurales nombreuses, tout en présentant l’aspect d’une quasi-monoculture.
Encyclopédie Universelle. 2012.